Club Med : le départ de Giscard d’Estaing bouscule le tourisme

Après plus de vingt ans à la tête du Club Méditerranée, Henri Giscard d’Estaing a été remercié brutalement par l’actionnaire chinois Fosun. Un chan...

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Après plus de vingt ans à la tête du Club Méditerranée, Henri Giscard d’Estaing a été remercié brutalement par l’actionnaire chinois Fosun. Un changement de gouvernance qui soulève des questions fondamentales sur l’avenir du groupe, mais aussi, plus largement, sur la transformation du modèle touristique et les défis sociaux qui en découlent.

Une éviction brutale après deux décennies à la direction

Le 16 juillet 2025, Henri Giscard d’Estaing annonce à ses équipes son départ du Club Méditerranée, confirmant des rumeurs persistantes depuis plusieurs semaines.

L’annonce surprend : fils de l’ancien président Valéry Giscard d’Estaing, il incarnait depuis plus de vingt ans la stratégie de redressement et de repositionnement du groupe. Selon ses proches, il n’a pas quitté le Club Med de son plein gré, mais a été écarté par l’actionnaire principal, Fosun, sans concertation préalable.

Ce départ marque la fin d’une ère.

Un repositionnement de long terme piloté par Giscard d’Estaing

Quand il prend les rênes en 2002, le Club traverse une crise :

  • modèle des villages de vacances bon marché en perte de vitesse,
  • concurrence accrue du low-cost et des voyages à la carte.

Il engage alors une stratégie de montée en gamme :

  • fermeture des sites peu rentables,
  • internationalisation vers les marchés émergents,
  • image de marque repositionnée vers un “luxe décontracté”,
  • recrutement plus qualifié et internationalisé.

Résultat : en vingt ans, le chiffre d’affaires double, l’empreinte mondiale s’élargit, et le Club Med s’impose comme un acteur global du voyage premium.

Une gouvernance désormais centralisée en Chine

L’entrée de Fosun en 2015 marque une nouvelle étape.
Au départ, la cohabitation fonctionne : le groupe chinois soutient l’expansion en Asie. Mais peu à peu :

  • les centres de décision se déplacent,
  • des dirigeants européens sont remplacés,
  • le siège opérationnel est en partie relocalisé à Shanghai.

Le départ d’Henri Giscard d’Estaing officialise ce basculement : le Club Med est désormais dirigé depuis la Chine, par une équipe peu familière des réalités européennes.

Les conséquences sociales d’une gouvernance éloignée

Cette centralisation interroge : peut-on diriger un acteur touristique mondial depuis un centre de décision éloigné, culturellement et géographiquement ?

Le tourisme repose sur des métiers humains et locaux : accueil, animation, logistique. Les saisonniers, pilier du modèle Club Med, pourraient pâtir de décisions trop déconnectées du terrain.

Déjà, plusieurs signaux d’alerte apparaissent :

  • tensions de recrutement,
  • difficultés de logement,
  • turn-over croissant,
  • baisse de la motivation.

Une mise à distance de l’ADN RH du Club Med

Historiquement, le Club Med était reconnu pour son modèle RH original :

  • recrutement de jeunes sans qualification,
  • formation en interne,
  • mobilité internationale,
  • promotion par l’expérience.

Le fameux modèle du “G.O” (Gentil Organisateur) valorisait la polyvalence, l’autonomie et le collectif.

Aujourd’hui, cette culture semble fragilisée :

  • encadrement local réduit,
  • saisonniers recrutés plus tardivement et moins formés,
  • rotation des équipes en hausse.

Un risque majeur pour un groupe dont la qualité de service repose sur l’implication humaine.

Une illustration plus large : la perte de souveraineté économique

L’éviction d’Henri Giscard d’Estaing illustre aussi une tendance plus générale : la perte de contrôle sur les fleurons du tourisme français.
Accor, Pierre & Vacances, Center Parcs, Club Med… beaucoup ont vu leur capital passer sous pavillon étranger.

L’enjeu n’est pas l’internationalisation en soi, mais la gouvernance partagée et l’attention portée aux réalités sociales et territoriales. Dans le cas du Club Med, la brutalité de la transition inquiète.

Quelle attractivité pour les métiers du tourisme demain ?

La filière fait face à une pénurie croissante de main-d’œuvre :

  • contrats courts,
  • logement difficile,
  • conditions de travail intenses,
  • faible reconnaissance.

Les jeunes actifs s’en détournent.
Les grandes entreprises ont donc une responsabilité : proposer des parcours clairs, des conditions dignes, une culture d’entreprise forte.

Le Club Med pourrait être un moteur… si la nouvelle gouvernance en fait une priorité.

Vers quel modèle de gouvernance dans le tourisme ?

L’affaire pose une question plus large :
👉 Comment penser la gouvernance d’entreprises mondialisées, dans un contexte où la transparence, le dialogue social et l’ancrage territorial sont de plus en plus attendus ?

Dans le tourisme, on ne peut piloter uniquement par les chiffres. Le modèle doit intégrer les dimensions humaines, sociales et environnementales.